Marcelo Barbosa a posté hier sur son
Blog Officiel, un extrait du "Rêves des rats" de Rubem Alves, intellectuel Brésilien né en 1953 à Minas Gerais, presbytérien fondateur de la théologie de la libération (en savoir plus sur
Wikipédia) :Le Rêve des Rats
Rubem Alves
Il était une fois une bande de rats qui vivaient dans le trou du plancher d'une vieille maison. Ils étaient de toute sorte : grands, petits, noirs, blancs, vieux, jeunes, forts, faibles de la campagne et de la ville.
Personne ne s'occupait de cette différence, car tout le monde était uni autour d'un rêve commun : un fromage énorme, jaune, parfumé, qui titille les narines. Manger ce fromage serait le bonheur ultime ... Plus simple à dire qu'à faire.
En fait, le fromage était immensément loin car entre lui et les rats, il y avait le chat ... Un chat mauvais avec des dents pointues, qui ne dort jamais. Parfois il faisait semblant de dormir. Mais il suffisait qu'un petit rat courageux s'aventure hors de son trou pour qu'il lui saute dessus et fini le petit rat.
Les rats haïssaient le chat. Plus ils le haïssaient, plus ils se sentaient frères. La haine de l'ennemi commun faisait d'eux les complices d'un même désir : la mort du chat ou l'apparition d'un chien.
Comme ils ne pouvaient rien faire, ils se sont réunis pour parler. Ils ont fait des discours dénonçant l'attitude du chat et sont même arrivés à écrire une critique philosophique sur le chat. Ils disaient qu'un jour les chats seraient éradiqués et que tous seraient égaux. "Lorsque vous établirez la dictature des rats", a déclaré une souris, "tout le monde sera heureux" ...
- Le fromage est assez grand pour tous, dit l'un.
- Il faut socialiser le fromage, dit un autre.
Tout le monde applaudit et chanta même des chansons.
C'est encourageant de voir une telle fraternité. Comme tout sera beau quand le chat ne sera plus ! Le rêve. Dans leurs rêves, ils mangeaient ce fromage. Et plus ils mangeaient, plus il grandissait. Ceci est une propriété du fromage rêvé, il ne diminue pas, il croit indéfiniment. Et ils marchèrent ensemble, queues entrelacées, en criant "A nous le fromage" !
Personne ne peut expliquer pourquoi, mais le fait est qu'un matin, le chat avait disparu. Le fromage était toujours là, plus beau que jamais. Il suffisait de sortir du trou. Les rats ont scruté attentivement les alentours. C'était peut -être une ruse du chat. Mais non.
Le chat avait bien disparu. Le jour de gloire était arrivé, et les rats sont apparus dans un retentissant cri de joie.Tout le monde se précipita sur le fromage, unis dans une faim commune. C'est alors que la transformation s'est opérée.
Il n'a fallu qu'une bouchée pour réaliser que les fromages rêvés ne sont pas les fromages réels. Lorsqu'on les consomme, plutôt que de grossir, ils diminuent.
Ainsi, plus il y avait de rats qui mangeaient le fromage, plus le morceau était petit pour chacun. Les rats ont commencé à se regarder les uns les autres comme s'ils étaient ennemis. Ils regardaient chacun dans la bouche de l'autre, pour voir combien de fromage il mangeait. Et les regards se sont emplis de colère.
Ils ont oublié le chat et sont devenus leurs propres ennemis. Des luttes ont commencé. Les plus forts ont expulsé les plus faibles à coups de dents. Et immédiatement, ils ont commencé à se battre entre eux.
"Tout morceau de fromage abandonné par son propriétaire pourra être donné à un rat maigre par celui qui l'attrape". Mais aucun rat n'a abandonné son fromage et les rats maigres ont été condamnés à le rester. Les petits rats maigres, à l'intérieur de leur trou noir n'ont pas compris ce qui s'était passé.
Le plus inexplicable est la transformation qui s'est opérée chez les rats forts, maintenant propriétaires du fromage. Ils ont le même regard mauvais que le chat, les dents découvertes.
Les rats les plus maigres ne peuvent plus faire la différence entre le chat et les rats aujourd'hui. Et alors ils comprennent qu'il n'y a aucune différence.Tout rat qui devient propriétaire du fromage devient chat. Ce n'est pas par accident que leurs noms sont si semblables.
Pour plus d'infos :
Marcelo Barbosa Blog Officiel